Les circonstances ont empêché jusqu’à présent la parution de ce livre, dont certaines parties (notamment l’essai sur Morgan et le premier essai sur Kafka), étaient écrites dès 1939. Pour le chapitre consacré à Sartre, en particulier, il a été malheureusement impossible de tenir compte de ses dernières œuvres, notamment des deux pièces Les Mouches et Huis Clos. Seul a pu être unPeu utilisé L’Etre et le Néant, communiqué en manuscrit par l’obligeance de l’auteur. On
espère pourtant que ce retard apporté à la publication ne suffira pas à rendre caduc l’ensemble du livre. Il a semblé préférable de publier tel quel, sans se livrer à des remaniements profonds qui n’auraient pas manqué d’en altérer la structure, un essai qui cherche —entre autres choses —à montrer que toute œuvre finie, littéraire ou philosophique, peut être seulement une étape provisoire dans un devenir spirituel plus vaste qu’elle-même. Paris, mai 1945.
Claude-Edmonde MAGNY
(1913-1966)
Agrégée de philosophie, a enseigné pendant longtemps la littérature française à l’Université de Cambridge, en poursuivant son œuvre dont le présent essai tente de dégager, par l’intermédiaire de  » trois instances exem-plaires » (Morgan, Sartre, Kafka), le sens profond de la critique.
Il y a dans toute œuvre une vision du monde latente et il appartient à ce lecteur passionné qu’est le critique de la mettre à jour et de l’expliquer. La critique se justifie ainsi par les limites mêmes de la littérature, par son
« malheur d’exister »‘, dont il faut rendre compte.