La Jeunesse au coeur de Marcelle Auclair

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.. qui pourrait aussi bien être un PROLOGUE. Déçue par le pessimisme d’un premier gérontologue, j’ai tenu à en consulter un second. Il m’a dit: « Mon collègue n’a pas tort d’être sceptique sur les possibilités de rajeunissement s’il se réfère à des personnes très âgées qui n’ont jamais pris soin d’elles-mêmes et qui, soudain, voudraient retrouver leurs trente ans. Il n’existe pas de talisman, de remède miracle, qui puisse transformer un vieillard en jeune homme. Je refuse, par honnêteté, de m’occuper de ces cas-là. En revanche, l’homme ou la femme entre quarante et cinquante ans qui souhaitent se préparer une vieillesse valide, ou, comme vous le dites, une vieillesse heureuse, peuvent prendre de multiples précautions, avoir recours à des traitements qui seront efficaces, tant du point de vue physique que mentalement, intellectuellement. On peut même ajouter : affectivement. Dites bien qu’en fait, c’est dès la vingtième année qu’il faut songer qu’un jour le temps qui passe fera de nous des vieux, si nous n’y prenons garde… Il faut se préparer à devenir jeunes… » Ce petit livre pourrait donc avoir un sous-titre : « A lire à partir de vingt ans… « Ce serait, je le crains, un coup d’épée dans l’eau. Rares sont les garçons et filles qui dans l’euphorie de la jeunesse admettent qu’ils doivent prendre soin d’eux-mêmes, entraîner leurs muscles, soigner leur peau, cultiver leur esprit, multiplier les curiosités en dehors de ce qu’exige la profession qu’ils préparent ou exercent, se ménager des intérêts multiples, des passions tonifiantes, s’ils ne veulent pas finir invalides, cacochymes, gâteur. La spécialisation, la polarisation des plus intelligents parmi nos jeunes effraie pour eux, d’autant plus que les professions nouvelles qui les attirent évoluent si rapidement qu’un électrotechnicien quinquagénaire est déjà dépassé et remisé comme tel. La spécialisation enkyste. C’est l’humanisme qui fait de beaux vieillards : ouverts à tout ce qui épanouit la personne humaine. Je songe à un ami chinois qui, lui, n’a rien à craindre du temps. Professeur de français dans une grande Université de son pays, il a deux passions : herboriser, et la poésie. II leur consacre tous ses loisirs, méthodiquement, en Chinois qui se respecte. En mêlant des plantes, il a obtenu une nouvelle pénicilline, dont l’usage n’implique ni fatigue, ni accoutumance. A la lettre où il annonçait que son médicament était admis dans les hôpitaux de son pays, il ajouta un post-scriptum: « Je viens d’achever la traduction des sonnets de Shakespeare en chinois… » Voilà un homme qui n’a rien à craindre des années. La retraite lui sera douce. Peut-être devrait-on démarquer la phrase de Stendhal, et dire : « Avoir pour loisir sa passion… bonheur de ceux sur qui le temps n’aura jamais prise.»

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.. qui pourrait aussi bien être un PROLOGUE. Déçue par le pessimisme d’un premier gérontologue, j’ai tenu à en consulter un second. Il m’a dit: « Mon collègue n’a pas tort d’être sceptique sur les possibilités de rajeunissement s’il se réfère à des personnes très âgées qui n’ont jamais pris soin d’elles-mêmes et qui, soudain, voudraient retrouver leurs trente ans. Il n’existe pas de talisman, de remède miracle, qui puisse transformer un vieillard en jeune homme. Je refuse, par honnêteté, de m’occuper de ces cas-là. En revanche, l’homme ou la femme entre quarante et cinquante ans qui souhaitent se préparer une vieillesse valide, ou, comme vous le dites, une vieillesse heureuse, peuvent prendre de multiples précautions, avoir recours à des traitements qui seront efficaces, tant du point de vue physique que mentalement, intellectuellement. On peut même ajouter : affectivement. Dites bien qu’en fait, c’est dès la vingtième année qu’il faut songer qu’un jour le temps qui passe fera de nous des vieux, si nous n’y prenons garde… Il faut se préparer à devenir jeunes… » Ce petit livre pourrait donc avoir un sous-titre : « A lire à partir de vingt ans… « Ce serait, je le crains, un coup d’épée dans l’eau. Rares sont les garçons et filles qui dans l’euphorie de la jeunesse admettent qu’ils doivent prendre soin d’eux-mêmes, entraîner leurs muscles, soigner leur peau, cultiver leur esprit, multiplier les curiosités en dehors de ce qu’exige la profession qu’ils préparent ou exercent, se ménager des intérêts multiples, des passions tonifiantes, s’ils ne veulent pas finir invalides, cacochymes, gâteur. La spécialisation, la polarisation des plus intelligents parmi nos jeunes effraie pour eux, d’autant plus que les professions nouvelles qui les attirent évoluent si rapidement qu’un électrotechnicien quinquagénaire est déjà dépassé et remisé comme tel. La spécialisation enkyste. C’est l’humanisme qui fait de beaux vieillards : ouverts à tout ce qui épanouit la personne humaine. Je songe à un ami chinois qui, lui, n’a rien à craindre du temps. Professeur de français dans une grande Université de son pays, il a deux passions : herboriser, et la poésie. II leur consacre tous ses loisirs, méthodiquement, en Chinois qui se respecte. En mêlant des plantes, il a obtenu une nouvelle pénicilline, dont l’usage n’implique ni fatigue, ni accoutumance. A la lettre où il annonçait que son médicament était admis dans les hôpitaux de son pays, il ajouta un post-scriptum: « Je viens d’achever la traduction des sonnets de Shakespeare en chinois… » Voilà un homme qui n’a rien à craindre des années. La retraite lui sera douce. Peut-être devrait-on démarquer la phrase de Stendhal, et dire : « Avoir pour loisir sa passion… bonheur de ceux sur qui le temps n’aura jamais prise.»

Date de parution

1970

Format

Relié

état

Très bon état

Langue

Français

Nombre de pages

288

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